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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Exequatur d'une décision d'adoption "intra-familiale" : pas de contrariété à l'ordre public.


Civ. 1, 16 décembre 2020, n°19-22.101




Mme P... a saisi le tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal) d’une demande d’adoption plénière de ses neveux et nièce, fils et fille de son frère W... P... , décédé le [...].

Le tribunal a accueilli sa demande par un jugement du 19 mai 2014, dont elle a sollicité l’exequatur.


La Cour d'appel de Paris rejette sa demande d'exequatur aux motifs que l’adoption plénière par Mme P... des enfants de son frère, conduirait à l’établissement d’un acte de naissance d’enfants nés d’une relation incestueuse, comme nés de l’union d’un frère et d’une sœur, est contraire aux articles 162 et 310-2 du code civil et méconnaît par conséquent la conception française de l’ordre public international.


Mme P... forme un pourvoi en cassation au moyen que le droit interne français admettant l’adoption, par une tante, de ses neveux et nièces, dès lors qu’il ne s’agit pas d’enfants nés d’un inceste, une telle adoption est conforme à l’ordre public international français.


La question à résoudre est de savoir si l'adoption par la tante de ses neveux et nièce, enfants de son frère décédé, crée une filiation incestueuse qui serait contraire à l'ordre public international français.


La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.


Elle vise la Convention de coopération en matière judiciaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal signée le 29 mars 1974 et les articles 310-2 et 162 du code civil.


La convention du 29 mars 1974 reconnait de plein droit les décisions issus des États contractants sous réserve que la décision ne contienne rien de contraire à l’ordre public de l’État où elle est invoquée.


Selon l'article 310-2 du Code civil


"S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit".


Selon l'article 162 du Code civil


"En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur, entre frères et entre sœurs"


Selon la Cour de cassation, "ces textes interdisent l’établissement, par l’adoption, du double lien de filiation de l’enfant né d’un inceste absolu lorsque l’empêchement à mariage a pour cause la parenté. Ils n’ont pas pour effet d’interdire l’adoption des neveux et nièces par leur tante ou leur oncle, dès lors que les adoptés ne sont pas nés d’un inceste".


De là, elle déduit de l'article 348-5 du Code civil que l'adoption intra familiale est possible en droit français.


"Sauf le cas où il existe un lien de parenté ou d'alliance jusqu'au sixième degré inclus entre l'adoptant et l'adopté, le consentement à l'adoption des enfants de moins de deux ans n'est valable que si l'enfant a été effectivement remis au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé pour l'adoption".


Selon la Cour de cassation, l’adoption des neveux et nièces par leur tante n’est pas, en elle-même, contraire à l’ordre public international.


La solution est heureuse.


On peut se demander si le raisonnement n'aurait pas été plus simple. En effet, l'adoption en cause était une adoption plénière dont l'effet est de rompre définitivement tout lien avec la famille par le sang, et donc le frère de Mme P... La filiation adoptive se substitue à la filiation biologique. Aussi, par l'adoption plénière, les enfants adoptés par leur tante n'avaient plus aucun lien de filiation avec leur père décédé. Il n'y avait donc pas de double lien de filiation.


Cependant, l'article 356 du Code civil concernant l'adoption plénière se réfère également à la prohibition de l'inceste : "L'adoption confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des prohibitions au mariage visées aux articles 161 à 164".


C'est donc une bonne chose que la Cour de cassation ait affirmé que les adoptions intra familiale ne sont pas en elles mêmes contraire à l'ordre public international, sous réserve de l'interdiction d'une filiation incestueuse.

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